Si la beauté des beaux livres est sujette à controverses, ils ont en commun d'être lourds, et celui-là ne déroge pas à la règle. Réalisant le poids de l'objet qui venait de lui être offert, accablée à l'idée de se le trimbaler pendant deux heures, Dora m'a regardé d'un air malheureux, implorant... Ni une ni deux, j'ai sorti le pesant ouvrage de son sac et suis allé le remettre en dépôt au donateur, promettant de venir le reprendre au retour de notre promenade. Ce que nous n'avons pas fait, évidemment, épuisés par les trois heures de marche, de galerie d'art en galerie d'art. Et voilà comment certains livres ont une histoire. Le happy end, c'est qu'il est là, sur ma table, couverture entoilée, rigide, et, en lettres noires gravées sur fond gris :
DELAY
DELA
DEL
DE
D
Lubie de graphiste ? Pas de nom d'auteur, ni d'éditeur, même pas sûr que ce soit le titre du livre, et encore moins certain de comprendre ce que ce délai ou ce retard signifie.J'ouvre. Je tourne une, puis deux doubles pages, elles forment une introduction muette, comme pour indiquer la primauté de l'image. Je tourne encore et là, tout en haut à gauche de la page 7, écrit petit, collant au plafond : Philippe Decrauzat.